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Flipper zero
Flipper Zero : gadget de cybersécurité ou véritable outil de hacking ?

Le Flipper Zero est un petit appareil open source au design rétro qui agite depuis quelques années la communauté cybersécurité. Lancé en 2020 sur Kickstarter (financement participatif) par une équipe de développeurs russes, il a connu un succès fulgurant avec plus de 4 millions de Dollars levés en quelques semaines. Aujourd’hui distribué par Flipper Devices Inc., l’appareil s’est imposé comme un objet culte dans l’univers du hacking éthique, du bidouillage électronique, et plus largement auprès de toute une génération curieuse de comprendre le fonctionnement des systèmes sans fil.

Sous ses airs de jouet pixelisé, avec son écran monochrome et son interface inspirée des Tamagotchi, le Flipper Zero embarque un ensemble impressionnant de modules matériels pour le hacking physique. Il peut émettre et recevoir des signaux en infrarouge, capturer ou simuler des badges RFID basse fréquence (125 kHz) ou des tags NFC (13,56 MHz), lire des iButton (1-Wire), simuler un clavier USB HID, ou encore analyser des signaux via des broches GPIOaccessibles sur le boîtier. Il intègre également un émetteur-récepteur Sub-GHz, capable de communiquer sur différentes fréquences (315 / 433 / 868 / 915 MHz), fréquemment utilisées par les télécommandes de portails, de volets roulants ou encore certains dispositifs de domotique. Cette capacité à capturer et répliquer des signaux radio le rend particulièrement populaire pour les démonstrations de type red team ou la sensibilisation aux faiblesses des protocoles propriétaires non chiffrés.

L’appareil ne se limite pas à ses capacités matérielles : l’écosystème logiciel autour du Flipper est très actif. En plus du firmware officiel proposé par le fabricant, il existe plusieurs firmwares alternatifs — dont les plus populaires sont Unleashed, RogueMaster ou Xtreme — qui débloquent certaines fonctions bridées, ajoutent des modules de scan, des payloads additionnels, voire des mini-jeux. L’installation de ces firmwares se fait via l’application officielle Flipper Zero Desktop ou en ligne de commande, souvent en quelques clics. Les communautés GitHub associées maintiennent une documentation abondante, des scripts d’installation automatisés, et un support collaboratif très réactif. Ces firmwares personnalisés sont d’ailleurs à l’origine de nombreux usages détournés, qui contribuent à la viralité de l’appareil sur internet.

C’est d’ailleurs sur les réseaux sociaux que le Flipper Zero a vraiment explosé en visibilité. Des milliers de vidéos circulent sur TikTok, YouTube et X, montrant des démonstrations spectaculaires : ouverture de portails, extinction d’écrans d’affichage public, activation de sonnettes connectées, déverrouillage de portes d’immeubles, voire interaction avec certains systèmes embarqués automobiles. L’effet « waouh » est souvent au rendez-vous, surtout lorsqu’un simple appui sur un bouton déclenche une action inattendue dans l’environnement réel. Mais ces démonstrations omettent souvent les limites pratiques de l’outil : dans la majorité des cas, l’utilisateur doit d’abord capturer le signal d’origine, connaître la fréquence, le protocole utilisé, et se trouver à proximité immédiate de l’équipement ciblé.

Si ces capacités suffisent à impressionner un public non averti, elles restent en réalité très limitées. Le Flipper Zero ne permet ni de casser des mots de passe Wi-Fi, ni de sniffer du trafic réseau de manière avancée, ni d’exécuter des attaques complexes. Son architecture matérielle, basée sur un microcontrôleur STM32, le bride naturellement en termes de puissance de calcul, de mémoire, et de possibilités d’automatisation. Pour un expert en sécurité offensive, un ordinateur portable sous Linux équipé d’une antenne SDR, ou d’outils comme HackRF ou Yard Stick One, reste infiniment plus performant et polyvalent.

Dans la pratique, les usages malveillants du Flipper sont marginaux. Bien qu’il soit techniquement capable de répliquer certains signaux non sécurisés, il ne représente pas une menace sérieuse dans un contexte où les systèmes critiques sont protégés par des protocoles chiffrés, des contrôles d’accès robustes ou une architecture réseau cloisonnée. L’appareil est avant tout un gadget — puissant dans un cadre pédagogique ou de démonstration, mais rarement exploité dans des scénarios d’attaque réelle. Il permet de sensibiliser aux failles des technologies sans fil basiques, de tester ses propres équipements, ou d’introduire les bases du hardware hacking de manière ludique.

En définitive, le Flipper Zero incarne un outil hybride entre éducation/sensibilisation, exploration technologique et culture hacker. C’est un excellent support pour faire de la vulgarisation technique, animer un atelier de cybersécurité physique, ou illustrer la faiblesse de certaines technologies propriétaires. Mais il ne doit pas être surestimé : derrière le buzz médiatique et les vidéos virales, le Flipper reste un instrument d’initiation, pas un levier de compromission avancée. Sa valeur réside plus dans sa capacité à éveiller la curiosité, qu'à contourner les défenses sérieuses.