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Un lanceur d'alerte derrière son écran
Lanceurs d’alerte en cybersécurité : Entre transparence nécessaire et risques collatéraux

Dans un monde où les cyberattaques se multiplient et deviennent de plus en plus sophistiquées, les lanceurs d’alerte en jouent un rôle particulier. Ces individus ou organisations divulguent publiquement des informations sur des compromissions de données, souvent exfiltrées par des attaquants. Leur objectif principal est d’informer le public et les utilisateurs potentiellement affectés par ces fuites de données. Mais leur action soulève des questions complexes sur les bénéfices et les risques associés cette volonté d'informer à tout prix et de faire le scoop au nom de la transparence.

 

Des sentinelles au service des utilisateurs

Les lanceurs d’alerte agissent souvent comme des sentinelles, veillant à ce que les utilisateurs soient informés des compromissions de leurs données personnelles. Sans leur intervention, il est probable que de nombreuses entreprises choisiraient de garder le silence sur les incidents de sécurité, malgré le RGPD, cherchant à protéger leur réputation et éviter les conséquences financières liées, pas toujours faciles à mesurer, à une perte de confiance des clients ou des réclamations. 

Cette transparence bénéficie aux utilisateurs en leur permettant de prendre des mesures pour protéger leurs informations personnelles, comme changer leurs mots de passe, informer des tiers comme leur banque, ou surveiller leurs comptes pour détecter des activités suspectes. De plus, la divulgation publique permet de maintenir une forme de pression sur les entreprises pour qu'elles améliorent leurs pratiques et adoptent des mesures préventives plus robustes.

 

Un jeu dangereux avec les cybercriminels

Cependant, la diffusion d’informations par les lanceurs d’alerte peut servir les intérêts des cybercriminels. En donnant de la résonance aux messages des cybermafias, il y a un risque d'amplification de l’impact des attaques qui peut exacerber les difficultés rencontrées par les entreprises victimes. Cette visibilité accrue peut inciter les cybercriminels à intensifier leurs activités, sachant que leurs actions recevront une large couverture médiatique.

De plus, la publication prématurée de détails sur une cyberattaque peut entraver les efforts des équipes de sécurité pour contenir l’incident et mener une enquête efficace. Les entreprises peuvent se retrouver submergées par la gestion de leur leur communication de crise et de leur image  au lieu de se concentrer sur la résolution technique du problème.

 

Le dilemme du timing et la quête de visibilité

Le timing de la communication est au cœur de cette problématique. Les lanceurs d’alertes sont souvent motivés par le besoin de rapidité, cherchant à être les premiers à révéler l’information pour maximiser leur visibilité et générer de l’engagement sur les réseaux sociaux. Cette course à l’exclusivité peut nuire aux efforts de gestion de crise des entreprises et compliquer la situation pour toutes les parties impliquées.

Si les lanceurs d’alerte attendaient la résolution de la crise avant de communiquer, ils pourraient fournir des informations plus précises et contextualisées, sans compromettre les efforts de remédiation. Cependant, le modèle économique basé sur la capture de l’attention, de l'immédiateté et l’engagement rapide ne favorise pas cette approche plus mesurée.

 

En conclusion

Le rôle des lanceurs d’alerte en cybersécurité est complexe et ambivalent. Leur action peut sembler combler moins une lacune laissée par un manque de régulation efficace qu'une interprétation laxiste de cette dernière, obligeant les entreprises à communiquer honnêtement sur les incidents cyber. Pourtant, le modèle économique qui les pousse à divulguer rapidement des informations sensibles peut parfois être considéré comme malsain et contre-productif.

Il est peut-être temps de repenser le cadre réglementaire entourant la divulgation des incidents de cybersécurité ou de gommer les zones grises des règlements en vigueur. En établissant des règles claires sur l’utilisation des informations issues du darknet et en imposant des obligations de transparence aux entreprises, il serait possible de protéger les intérêts des utilisateurs tout en minimisant les risques pour les entreprises. 

Une collaboration plus étroite entre les régulateurs, les entreprises et  lanceurs d’alertes est souhaitable pour favoriser un environnement numérique plus sûr et plus responsable tout en évitant les effets boomerang.